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Vaccination obligatoire

Même si les arrêtés ministériels pris par le ministre des Transports du Canada ayant décrété la vaccination obligatoire dans le secteur des transports maritime, aérien et ferroviaire portent atteinte à la liberté et à la sécurité des demandeurs, ils ne violent pas l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés.
2 novembre 2022

Parties

Syndicat des métallos, section locale 2008 c. Procureur général du Canada

Juridiction

Cour supérieure (C.S.), Montréal

Type d'action

Pourvoi en contrôle judiciaire à l'encontre d'arrêtés ministériels du ministre des Transports du Canada ayant décrété la vaccination obligatoire dans le secteur des transports maritime, aérien et ferroviaire. Rejeté.

Décision de

Juge Mark Phillips

Date

5 juillet 2022


Pourvoi en contrôle judiciaire à l'encontre d'arrêtés ministériels du ministre des Transports du Canada ayant décrété la vaccination obligatoire dans le secteur des transports maritime, aérien et ferroviaire. Rejeté.

Les demandeurs, dont 10 sections locales du Syndicat des métallos, contestent la constitutionnalité d'arrêtés ministériels du ministre des Transports du Canada ayant décrété la vaccination obligatoire dans le secteur des transports maritime, aérien et ferroviaire dans le contexte de la pandémie de la COVID-19. Ils font valoir que les dispositions en question portent atteinte au droit à la liberté et à la sécurité protégé par l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, que ces atteintes ne sont pas conformes aux principes de justice fondamentale et que la violation de l'article 7 qui en résulte ne saurait être justifiée. Ils soutiennent par ailleurs que les arrêtés ministériels viennent s'immiscer dans leurs conditions de travail puisque les conséquences d'un refus de se faire vacciner comporteraient notamment le congé sans solde et le congédiement. Le procureur général du Canada soutient qu'aucun droit protégé par l'article 7 de la charte ni aucun principe de justice fondamentale n'ont été violés et que, si le tribunal devait en décider autrement, l'obligation vaccinale serait justifiable.

Décision

En date du 20 juin 2022, toute forme d'obligation vaccinale a été abrogée. Vu la perte du substrat factuel qui donnait lieu à la contestation au départ, le débat est devenu théorique. Toutefois, le tribunal exerce son pouvoir discrétionnaire dans l'objectif de prononcer un jugement pour trancher la question constitutionnelle, notamment en raison de l'existence d'autres litiges connexes visant les parties dans le contexte des relations du travail de même qu'en raison du désir manifeste de toutes les parties. Dans le contexte d'une atteinte au droit à la liberté ou à la sécurité de la personne en dehors de l'administration de la justice, comme en l'espèce, l'article 7 de la charte doit être appliqué avec circonspection. De plus, en ce qui a trait aux principes de justice fondamentale, la mesure causant l'atteinte ne violera pas l'article 7 si elle est «taillée sur mesure», de sorte qu'elle n'est ni arbitraire, ni de portée excessive, ni totalement disproportionnée. Le droit de consentir ou non à un traitement donné relève de la sphère des décisions personnelles. Or, ce choix a été gravement compromis par l'effet, direct ou indirect, des arrêtés ministériels. Bien que la vaccination ne soit pas imposée et que les demandeurs conservent théoriquement le choix de l'accepter ou non, les conséquences d'un refus sont telles que ce choix n'est pas véritablement un choix. Dans ce contexte, les dispositions des arrêtés ministériels attaquées portent atteinte à la liberté et à la sécurité de la personne dans sa dimension psychologique.

Ce seul élément n'est pas suffisant pour que l'on puisse considérer que l'article 7 de la charte a été violé. Il faut que cette atteinte ait eu lieu d'une manière qui n'est pas conforme aux principes de justice fondamentale. L'objectif de la vaccination obligatoire était de réduire les risques liés à la COVID-19 pour la sécurité du système des transports sous réglementation fédérale. Or, la preuve a établi que les personnes non vaccinées représentent un plus haut risque de contracter des formes plus graves de la maladie, entraînant des conséquences sur le taux d'absences qui mettent en péril le bon fonctionnement du système des transports. Par conséquent, la mesure contestée n'est pas arbitraire. Les demandeurs n'ont pas établi que celle-ci causerait des effets sur eux qui sont sans lien avec l'objectif. Dans la mesure où la vaccination obligatoire est jugée nécessaire en milieu de travail, il s'ensuit que l'employé non vacciné ne peut pas travailler. Ainsi, bien son effet soit sévère, on ne peut pas dire que la mesure ait une portée excessive. L'argument des demandeurs quant au caractère totalement disproportionné de la mesure est fondé sur une définition inexacte de l'objectif, celui-ci ne pouvant être réduit à l'atteinte de niveaux globaux supérieurs de vaccination. Le fait que la mesure crée 2 catégories de travailleurs, soit ceux assujettis à la compétence législative fédérale et ceux qui sont régis par les lois provinciales, ne la rend pas non plus totalement disproportionnée. Il est de la nature même du fédéralisme canadien que des différences existent entre les législations fédérale et provinciale ainsi qu'entre les législations des différentes provinces, sans que cela viole quelque principe que ce soit. De plus, les effets de la prétendue disproportion doivent s'apprécier à l'égard de la personne visée seulement.

Malgré l'effet important de la mesure sur la personne en question, il est proportionné à l'objectif, lequel est également important. La mesure respecte les principes de justice fondamentale. Bien que les dispositions contestées des arrêtés ministériels portent atteinte à la liberté et à la sécurité de la personne des demandeurs, elles ne violent pas l'article 7 de la charte. Même s'il fallait conclure que cet article a été violé, la violation serait justifiée par l'article 1. En effet, l'objectif d'assurer la sécurité des transports était urgent et réel, et l'efficacité de la vaccination démontre l'existence d'un lien rationnel entre celui-ci et la mesure contestée. Enfin, la vaccination obligatoire constitue la mesure la moins attentatoire qui aurait permis d'atteindre l'objectif, étant donné que le gouvernement dispose, dans ce contexte, d'une certaine marge discrétionnaire dans le choix de la mesure. En ce qui concerne les effets bénéfiques de la mesure, non seulement celle-ci s'est révélée efficace, mais elle a en outre permis d'éviter des problèmes très graves dans le secteur des transports.