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Congés flottants et absences

En forçant les salariés à puiser dans leurs congés flottants afin de financer leurs absences pour obligations familiales, l'employeur se trouve à leur transférer une obligation que l'article 62 L.N.T. lui impose; les griefs sont accueillis.
19 avril 2022

Parties

Syndicat des métallos, section locale 9414 et EXO-S inc. (griefs individuels)

Juridiction

Tribunal d'arbitrage (T.A.)

Type d'action

Griefs relatifs aux congés pour obligations familiales. Accueillis.

Décision de

Me Richard Marcheterre, arbitre

Date

3 janvier 2022


Il s'agit de déterminer si les congés prévus à l'annexe 1 des conventions collectives, soit les congés flottants, les congés fractionnables en banque et les congés fériés reportés auxquels les employés ont droit annuellement, constituent, comme le soutient l'employeur, un avantage égal ou supérieur aux 2 journées auxquelles fait référence le cinquième alinéa de l'article 79.7 de la Loi sur les normes du travail (L.N.T.). Les conventions en cause ne contiennent aucune disposition accordant des congés pour maladie ou obligations familiales — sauf, dans ce dernier cas, à des fins précises — et n'établissent pas comment les 2 premières journées d'absence pour l'un de ces motifs doivent être rémunérées. Cependant, avant la mise en vigueur de la norme, les parties avaient coutume de rémunérer les absences pour maladie à même les avantages personnels des salariés, tout en n'insistant pas sur une application stricte des conditions d'exercice de ceux-ci.

Décision

Une tendance jurisprudentielle contourne le silence d'une convention collective en qualifiant de «génériques» des congés tels que ceux prévus à l'annexe 1. Pour cette raison, ceux-ci viseraient également les congés pour maladie ou obligations familiales. Le Tribunal ne partage pas cet avis. L'article 62 L.N.T. prescrit que c'est l'employeur qui rémunère les absences pour maladie ou obligations familiales. Or, en l'espèce, les droits consentis au salarié lui sont acquis dès le début de l'année et sont monnayables lorsqu'il ne les utilise pas. Par conséquent, si un congé pour maladie ou obligations familiales est rémunéré à même ces avantages, ce n'est pas l'employeur qui paie le congé, mais le salarié qui se trouve dès lors assujetti à une forme d'«autorémunération» puisque cet argent est déjà le sien et que les parties reconnaissent que le choix de l'utiliser à l'occasion d'absences relève de sa seule volonté. Rien dans la Loi sur les normes du travail n'indique que telle était la volonté du législateur. De plus, l'employeur se trouve à réduire ses propres obligations aux frais des salariés. Par ailleurs, la pratique adoptée antérieurement par les parties, soit de financer les absences pour maladie à même les congés flottants, ne visait pas à appliquer une disposition ambiguë, mais plutôt à pallier le silence de la convention. Cependant, le 1er janvier 2019, la référence à l'article 62 L.N.T. figurant au cinquième alinéa de l'article 79.7 a changé la donne pour la rémunération des 2 premières journées d'absence. Dans un tel contexte, faire persister la pratique des parties contrevient aux articles 79.7 et 62 L.N.T. Le Tribunal considère que l'avantage de rémunération accordé par l'article 79.7 L.N.T. impose une obligation supplémentaire à tout employeur, que ses employés soient ou non syndiqués, n'établissant aucune exception à cet égard.