Parties
Unifor, section locale 1209 (FTQ-CTC) et Delastek inc. (grief syndical)
Juridiction
Tribunal d'arbitrage (T.A.)
Type d'action
Grief contestant la surveillance effectuée par l'employeur. Accueilli.
Décision de
Me Francine Lamy, arbitre
Date
16 août 2021
Le syndicat soutient que l'installation de 10 caméras vidéo dans l'usine contrevient au droit à des conditions de travail justes et raisonnables garanti par l'article 46 de la Charte des droits et libertés de la personne. L'employeur aurait, selon lui, procédé à l'installation de caméras de manière concomitante de la négociation du protocole de retour au travail des salariés au terme d'un long conflit de travail. Celles-ci sont réparties dans l'usine, aux endroits où les employés syndiqués travaillent et circulent, dont la cafétéria où ils prennent leurs pauses. L'employeur tente de justifier l'installation des caméras en invoquant des raisons de sécurité et le fait que la surveillance n'est pas dirigée envers les travailleurs et qu'elle est encadrée par une politique qui restreint l'accès aux enregistrements et aux visionnements. Il conteste également la compétence de l'arbitre pour ordonner le retrait des caméras en question.
Décision
S'écartant à cet égard de Aliments Multibar inc. et Unifor, section locale 698 (grief syndical), (T.A., 2015-12-21), 2015 QCTA 1019, SOQUIJ AZ-51243200, 2016EXP-1270, 2016EXPT-750, D.T.E. 2016T-292, le Tribunal estime que les caméras permettent une surveillance en continu puisque l'enregistrement est déclenché dès qu'un mouvement a lieu dans l'aire de captation. En outre, il ne faut pas aborder individuellement chacune des caméras et chacune des salles filmées, mais plutôt envisager leur ensemble et leur effet combiné sur les personnes visées par la surveillance. La perception raisonnable découlant de ce qui précède et de la conduite de l'employeur lors du retour au travail est que ce dernier surveille les actions, les interactions et les déplacements des salariés syndiqués durant l'essentiel du temps qu'ils passent au travail. Ainsi, le syndicat s'est déchargé de son fardeau de démontrer que la vidéosurveillance des salariés n'est pas a priori une condition juste et raisonnable de travail. Par ailleurs, la nécessité de la vidéosurveillance des postes de travail des salariés le jour, de la cafétéria et des accès aux salles de toilettes n'a pas été démontrée. Les motifs invoqués ne sont ni réels ni sérieux. La preuve ne permet pas non plus de constater un lien rationnel entre la surveillance des salariés le jour et les objectifs poursuivis. L'atteinte aux droits des salariés n'est pas minimale non plus, notamment parce que d'autres moyens sont à la disposition de l'employeur pour assurer la sécurité de ses biens. En conséquence, la mesure de redressement appropriée en fonction des circonstances est d'ordonner à l'employeur de cesser la vidéosurveillance des salariés et, à cette fin, de retirer les caméras se trouvant dans l'usine. Puisque la surveillance a été menée illégalement, il convient aussi d'ordonner la destruction des enregistrements encore disponibles ou conservés. Cette ordonnance n'empêche pas l'employeur d'installer des caméras au sous-sol et à l'extérieur de l'installation afin d'assurer la sécurité de ses biens et de sa propriété intellectuelle.