lois-et-reglements / jurisprudence

Propos hostiles et non désirés

Les menaces implicites et explicites de congédier la plaignante sans autre motif que le dépôt par celle-ci d'une réclamation auprès de la CNESST constituent un exemple des propos hostiles et non désirés tenus par l'employeur; le grief pour harcèlement psychologique est accueilli.
29 novembre 2021

Parties

Entreprise Venise Peintre inc. et Association nationale des peintres, section locale 99 (Caroline Charron)

Juridiction

Tribunal d'arbitrage (T.A.)

Type d'action

Grief pour harcèlement psychologique. Accueilli.

Décision de

Me François Hamelin, arbitre

Date

3 août 2021


La conduite vexatoire que la plaignante, une peintre en bâtiment, reproche à l'employeur aurait débuté avant qu'elle ne subisse une lésion professionnelle physique et se serait poursuivie durant sa convalescence, alors que son médecin traitant lui a diagnostiqué un trouble anxio-dépressif.

Décision

Il ne fait pas de doute que les propos tenus par le président à l'égard de la plaignante étaient vexatoires, humiliants et blessants. Dire à une personne qu'elle est «nounoune», «sans dessein» ou «pas intelligente» ou encore s'adresser à elle en blasphémant et en lui reprochant d'avoir déposé une réclamation pour une lésion professionnelle constituent manifestement des propos vexatoires. Par ailleurs, 5 incidents de la sorte, survenus sur une période de 9 mois, ont été présentés en preuve, sans même compter les nombreux messages que le président a laissés à la plaignante durant sa convalescence. De surcroît, parmi ces 5 incidents, 4 sont survenus alors que la plaignante était psychologiquement vulnérable. Par ailleurs, les menaces implicites et explicites de la congédier sans autre motif que le dépôt par celle-ci d'une réclamation auprès de la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail constituent des propos hostiles et non désirés. Il en va de même de la menace de lui confier des affectations «au bout du monde», à savoir le plus loin possible de son domicile. Bien que l'on ne sache pas si le diagnostic anxio-dépressif a été causé ou aggravé par la conduite du président, il y a eu atteinte à l'intégrité psychologique et à la dignité de la plaignante. Bref, tous les éléments constitutifs du harcèlement psychologique ont été démontrés.

Par ailleurs, pour répondre aux arguments de l'employeur, l'obligation d'apprécier la situation vécue par la victime de manière à la fois subjective et objective nécessite d'envisager cette situation sous l'angle de l'état où se trouve la victime, en l'espèce dans l'état anxio-dépressif qu'ont entraîné pour la plaignante son accident du travail combiné aux appels harcelants du président. De plus, il est vrai que l'employeur a le droit de se tromper dans l'exercice de ses droits de direction. Cependant, cet exercice doit être légitime, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, le président ayant décidé d'insulter, de menacer et d'accuser gratuitement la plaignante, en plus de lui ordonner de venir travailler malgré son invalidité. Il s'agit d'un exercice abusif des droits de direction.