Parties
Branco Chicoine et Services préhospitaliers Laurentides-Lanaudière
Juridiction
Tribunal administratif du travail, Division de la santé et de la sécurité du travail (T.A.T.)
Type d'action
Contestation par la travailleuse d'une décision relative au retrait préventif de la travailleuse qui allaite. Moyen préliminaire invoqué d'office par le Tribunal administratif du travail relativement à l'admissibilité de la travailleuse au programme «Pour une maternité sans danger». Moyen préliminaire accueilli. Contestation rejetée.
Décision de
Marie-Anne Lecavalier, juge administrative
Date
25 mai 2021
Dans le contexte de la pandémie liée à la COVID-19, la travailleuse, une ambulancière paramédicale, a demandé un retrait préventif durant l'allaitement de son enfant. La Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) a refusé sa demande. L'instance de révision a confirmé cette décision. De façon préliminaire, le Tribunal a invoqué le fait qu'aucun médecin n'avait précisé de dangers au moment où la travailleuse a produit sa demande.
Décision
En vertu de l'article 46 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, la travailleuse doit fournir à l'employeur «un certificat attestant que les conditions de son travail comportent des dangers pour l'enfant qu'elle allaite». L'attestation et la détermination de dangers au certificat constituent une condition essentielle au droit au retrait préventif de la travailleuse qui allaite permettant ainsi à l'employeur d'en avoir connaissance. En effet, il est reconnu que la remise du certificat à l'employeur constitue une demande d'affectation. Ainsi, l'employeur doit connaître la nature du danger présent dans le milieu de travail et celui-ci doit être confirmé par un médecin ou encore une infirmière praticienne spécialisée, au moyen de la délivrance du certificat. La seule crainte de la présence du danger exprimée par la travailleuse n'est pas suffisante. L'employeur a droit à la prestation de travail d'une personne à son service. En outre, l'affectation est une prérogative de l'employeur; il ne s'agit pas d'une obligation. Elle peut être offerte en tout temps à une travailleuse durant la période visée pour le retrait préventif. Afin d'assurer le maintien en emploi de cette dernière sans danger pour elle-même et son enfant à naître ou l'enfant allaité, l'employeur peut éliminer à la source le danger en question, modifier les tâches, en offrir d'autres ou même adapter le poste de travail, par exemple. L'absence de confirmation de la présence de dangers au certificat engendre l'absence de connaissance de ceux-ci par l'employeur et fait échec au droit à la réaffectation de la travailleuse. La Loi sur la santé et la sécurité du travail est une loi de prévention et non d'indemnisation, contrairement à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, ce qui explique le fait que le retrait du travail et le versement d'une indemnité de remplacement du revenu (IRR) ne soient possibles que si une affectation ne l'est pas.
La présence d'un danger ne peut être établie de façon rétroactive. Les principes qui se dégagent de Milot et Encartage Nicolet (C.L.P., 2008-02-11), 2008 QCCLP 783, SOQUIJ AZ-50472986, sont transposables en l'espèce. À partir du moment où une condition d'admissibilité n'est pas présente lorsque la travailleuse présente sa demande, soit l'attestation de dangers au certificat par un médecin et, incidemment, la connaissance de ceux-ci par l'employeur, il serait contraire au principe de prévention qui se dégage de la Loi sur la santé et la sécurité du travail d'accorder le versement rétroactif d'une IRR. Le présent tribunal ne partage pas l'avis du juge administratif dans Caron et Corporation des techniciens ambulanciers de la Montérégie (CETAM), (C.L.P., 2013-07-12), 2013 QCCLP 4324, SOQUIJ AZ-50989027, 2013EXPT-1592, [2013] C.L.P. 209, et dans Dupuis et Terrapure (T.A.T., 2016-02-08), 2016 QCTAT 868, SOQUIJ AZ-51254934, 2016EXPT-577. Comme il estime qu'une condition d'admissibilité n'est pas remplie en l'absence d'une attestation du médecin quant à la présence de dangers, il ne peut être question que d'une simple formalité. Il s'agit d'une condition essentielle à l'ouverture au droit à la réaffectation, comme le souligne la Cour dans Dionne c. Commission scolaire des Patriotes (C.S. Can., 2014-05-01), 2014 CSC 33, SOQUIJ AZ-51068933, 2014EXP-1464, 2014EXPT-843, J.E. 2014-825, D.T.E. 2014T-320, [2014] 1 R.C.S. 765. La