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Contrat de travail contrevenant à la L.N.T.

En faisant signer à ses salariés un contrat de travail qui contient une clause contrevenant à l'article 85.1 L.N.T., l'employeur a engagé sa responsabilité pénale; le tribunal rend un verdict de culpabilité contre celui-ci et le condamne au paiement d'une amende (600 $).
27 juillet 2021

Parties

Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail c. 9070-1251 Québec inc.

Juridiction

Cour du Québec, Chambre criminelle et pénale (C.Q.), Chicoutimi

Type d'action

Accusations sous 3 chefs d'avoir enfreint l'article 140 paragraphe 5 de la Loi sur les normes du travail (L.N.T.). Déclaration de culpabilité sous 1 chef.

Décision de

Suzanne Bousquet, juge de paix magistrat

Date

14 mai 2021


La Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) soutient que les contrats de travail que la défenderesse fait signer à ses salariés contiennent 3 clauses contraires à la Loi sur les normes du travail. Plus particulièrement, la CNESST attaque les clauses i) forçant le salarié à renoncer à être rémunéré durant ses heures de formation, ii) autorisant l'employeur à retenir 500 $ à titre d'indemnité pour la formation donnée si le salarié quitte son emploi avant d'avoir effectué 520 heures de travail et iii) autorisant l'employeur à retenir des sommes pour compenser la perte ou le bris de biens fournis au salarié. La représentante de l'employeur invite notamment le tribunal à tenir compte de l'esprit du contrat plutôt que de sa lettre, son intention étant de prévenir les abus et non de sévir. D'ailleurs, ces clauses n'auraient jamais été appliquées jusqu'à présent.

Décision

L'article 85.1 L.N.T. interdit précisément de tenir responsable le salarié de la valeur du matériel prêté. La clause attaquée est manifestement inférieure à la norme. S'il est vrai que, en matière civile contractuelle, le tribunal est souvent appelé à rechercher l'intention des parties, les règles sont complètement différentes dans un procès de nature pénale réglementaire. De plus, introduire les notions d'usage «normal» et d'usage «abusif» à l'article 85.1 L.N.T., comme le suggère la défenderesse, dénaturerait cet article. Si telle avait été l'intention du législateur, il l'aurait dit clairement. Aussi, force est de reconnaître que les 20 contrats de travail contenant la clause litigieuse n'ont pas été conclus entre la représentante et les salariés, mais bien entre l'employeur et ses employés. Si, pour quelque raison que ce soit, la représentante quittait la compagnie, qui sait si son successeur serait animé par les mêmes intentions qu'elle ou même y souscrirait? Ne resteraient plus alors que le contrat et sa lettre. Personne ne serait lié par l'esprit qui supposément sous-tendait la clause litigieuse au moment de sa rédaction. En conclusion, il ne fait aucun doute que cette clause est illégale. Il n'en va pas de même quant aux 2 autres. En effet, de la jurisprudence se dégage le principe selon lequel la loi n'oblige pas un employeur à rémunérer une personne pour qu'elle acquière les préalables à son emploi. Malgré une rédaction malhabile, c'est ce qu'il faut lire ici. Il subsiste donc un doute raisonnable quant à l'illégalité de la clause portant sur les frais de formation. Les tribunaux ont également reconnu la validité des clauses pénales aux termes desquelles le salarié doit rembourser les frais de formation, celle-ci constituant un «actif personnel exportable» dans une autre entreprise. Un doute raisonnable subsiste donc quant à l'illégalité de la troisième clause.