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Indemnité pour congédiement déguisé

Le juge de première instance n'a commis aucune erreur révisable en décidant que la salariée, qui estimait avoir été victime d'un congédiement déguisé, n'avait pas manqué à son obligation de réduire ses dommages en refusant le nouveau poste que l'employeur lui proposait.
16 juin 2021

Parties

Sobeys Québec inc. c. Raby

Juridiction

Cour d'appel (C.A.), Montréal

Type d'action

Appel d'un jugement de la Cour supérieure ayant accueilli en partie une action en réclamation de dommages-intérêts pour rupture d'un contrat de travail. Rejeté.

Décision de

Juges Jean Bouchard, Dominique Bélanger et Christine Baudouin

Date

16 avril 2021


Le juge de première instance a condamné l'employeur appelant à payer à la salariée, qui occupait le poste de directrice de gestion de projets, 210 424 $ à titre d'indemnité pour congédiement déguisé. La salariée avait été avisée de l'abolition de son poste alors qu'elle était en congé de maladie et elle a refusé, à son retour, le poste hiérarchiquement inférieur que lui offrait l'employeur.

Décision

L'employeur ne démontre pas que le juge de première instance a exclu du droit civil québécois les principes énoncés dans Evans c. Teamsters Local Union No. 31 (C.S. Can., 2008-05-01), 2008 CSC 20, SOQUIJ AZ-50488252, J.E. 2008-942, D.T.E. 2008T-400, [2008] 1 R.C.S. 661. Tout au plus, en faisant référence à 2108805 Ontario inc. c. Boulad (C.A., 2016-01-25), 2016 QCCA 75, SOQUIJ AZ-51248092, 2016EXP-519, 2016EXPT-287, J.E. 2016-260, D.T.E. 2016T-104, le juge a signalé que l'existence d'une offre d'emploi par l'ancien employeur ne conduisait pas ipso facto à l'obligation de l'accepter et que la preuve administrée devant lui le menait à cette conclusion. La facture générale du jugement montre que le juge a examiné l'ensemble des circonstances de l'offre formulée par l'employeur afin de conclure que la salariée n'avait pas à accepter le poste qui lui était offert en vue de réduire ses dommages. Or, les aspects tant tangibles qu'intangibles mis en preuve permettent objectivement de conclure que la salariée pouvait raisonnablement soutenir qu'accepter ce nouveau poste à ces conditions et au su de ses anciens collègues aurait été gênant, voire humiliant pour elle, après plus de 31 ans de service chez l'employeur. Par ailleurs, il ne s'agit pas d'un cas où un employé effectue une nouvelle prestation de travail au sein de son employeur pendant des semaines ou des mois avant de manifester son désaccord ou son refus aux changements apportés à ses conditions d'emploi. Comme la salariée était en congé de maladie durant les événements ayant mené à l'abolition de son poste et pendant les décisions prises par l'employeur relatives aux changements à ses conditions de travail, son silence avant le moment où elle est devenue apte à retourner travailler ne constitue pas une acceptation tacite des conditions imposées par l'employeur. Quant à la question du boni, l'employeur n'a donné à la Cour aucune raison d'intervenir. Il en va de même pour ce qui est de l'évaluation du délai de congé et du délai pris par la salariée avant de se chercher un nouvel emploi. Il est vrai que la période d'inaction reprochée à la salariée est plus longue que les 6 mois qui ont été amputés au délai de congé, mais il faut accorder un certain temps à la personne qui vient de perdre son emploi pour qu'elle se remette du choc et réoriente sa carrière en conséquence (Gareau (Groupe Gareau inc.) c. Brouillette (C.A., 2013-05-30), 2013 QCCA 969, SOQUIJ AZ-50971148, 2013EXP-1979, 2013EXPT-1106, J.E. 2013-1057, D.T.E. 2013T-396, [2013] R.J.D.T. 535).