En l'absence d'une manoeuvre de la part de l'employeur visant à induire le plaignant en erreur, l'ignorance des règles prévues à la convention collective ne peut justifier le retard de ce dernier à agir; le grief est prescrit.
11 mai 2021

Parties

Syndicat des technicien(ne)s et artisan(e)s du réseau français de Radio-Canada et CBC / Radio-Canada (Gaston Beaulieu)

Juridiction

Tribunal d'arbitrage (T.A.)

Type d'action

Griefs relatifs aux horaires de travail et contestant un avis de retraite. Objections préliminaires à l'arbitrabilité des griefs. La première objection est accueillie et la seconde est accueillie en partie; l'audience quant au fond est reportée.

Décision de

Me Richard Bertrand, arbitre

Date

19 mars 2021


Le plaignant, un caméraman ayant eu le statut de salarié «temporaire sur appel» pendant 30 ans, soutient que l'employeur n'a pas respecté les règles de l'ancienneté dans l'attribution d'heures supplémentaires. Il lui reproche également d'avoir donné suite à un avis de retraite qui n'aurait pas été communiqué de manière libre et volontaire. L'employeur soutient que les griefs sont prescrits.

Décision

Selon la convention collective, un grief doit être déposé dans les 30 jours suivant la constatation des faits à l'origine du différend. En ce qui concerne le premier grief, le Tribunal ne peut retenir la position de l'employeur selon laquelle la prescription a commencé à courir à partir du moment où il a annoncé au plaignant qu'il travaillerait moins en raison de l'arrivée de 2 nouveaux salariés. La décision à cet égard commande des nuances. Lorsqu'il s'agit d'une décision unique, la prescription commence à courir dès le moment où la violation est commise, même si ses effets se prolongent dans le temps comme dans le cas, par exemple, d'une rétrogradation. Il s'agit du grief dit «continu». La violation «continue», quant à elle, est constituée de violations répétitives de la convention collective, même si celles-ci découlent toutes de la même décision ou de la même erreur. Chaque violation est alors assujettie à son propre délai de prescription. L'omission répétée de verser à un employé le bon montant de salaire en raison d'une erreur de calcul en est un bon exemple. En l'espèce, il est question d'une violation continue et d'un grief de même nature. En effet, l'employeur n'a pas choisi de licencier le plaignant à un moment précis ni n'a décidé qu'il ne travaillerait plus. Au contraire, il a annoncé au plaignant qu'il travaillerait moins. Ainsi, en supposant que le plaignant a raison sur le fond du grief, chaque semaine où il aurait dû être rappelé au travail et où il ne l'a pas été donne ouverture au dépôt d'un nouveau grief. Toutefois, le plaignant ne pourra être indemnisé pour les manques à gagner survenus plus de 30 jours avant le dépôt du grief. La première objection patronale est donc accueillie en partie. La seconde l'est entièrement. Le Tribunal ne peut retenir que le point de départ de la prescription applicable à l'avis de retraite serait le moment où le plaignant a pris conscience, après avoir été informé des dispositions applicables de la convention, que son consentement était vicié. En l'absence de manœuvre de la part de l'employeur visant à induire le plaignant en erreur à cet égard, l'ignorance des règles ne peut justifier son retard à agir.