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Dépendance à l'alcool et aux drogues

L'entente conclue dans le but avoué de permettre à un salarié de régler son problème de dépendance à l'alcool et aux drogues, ou à tout le moins de pouvoir en prendre le contrôle, ne peut être qualifiée d'«entente de dernière chance» notamment en raison du caractère automatique de la mesure qu'elle prévoit et qui le plus souvent rompt le lien d'emploi.
1 mars 2021

Parties : Fédération interprofessionnelle du Québec (FIQ) et CISSS des Laurentides (Annick Leclerc)

Juridiction :  Tribunal d'arbitrage (T.A.)

Type d'action :  Grief réclamant le versement de prestations d'assurance‐invalidité. Rejeté. Grief contestant un congédiement. Accueilli.

Décision de : Me André G. Lavoie, arbitre

Date :  12 janvier 2021

La plaignante, une infirmière auxiliaire, conteste la décision de l'employeur de refuser de lui verser des prestations d'assurance‐invalidité et de mettre fin à son emploi au motif qu'elle n'a pas respecté une entente de dernière chance relative à la consommation d'alcool et de drogues. Elle a déposé une attestation médicale confirmant un diagnostic de trouble de l'adaptation et un arrêt de travail. L'employeur lui a fait passer un test de dépistage de drogues et d'alcool, lequel s'est révélé positif relativement au cannabis. Selon le syndicat, le congédiement doit être analysé sous l'angle administratif. Il soutient que la dépendance à l'alcool constitue un handicap au sens de la Charte des droits et libertés de la personne, d'où l'obligation de l'employeur d'accommoder la plaignante. Il prétend également que celle‐ci était absente en raison de problèmes de santé mentale en lien avec des épisodes de violence conjugale. Invoquant la clause d'amnistie prévue à la convention collective, il demande le rejet de certaines allégations contenues dans l'avis de congédiement.

Décision

Afin de permettre à l'employeur de s'acquitter de son fardeau de preuve en ce qui a trait aux démarches ayant mené à un accommodement, les allégations contenues dans la lettre de congédiement sont recevables dans la mesure où elles participent à la chronologie des événements sans pour autant constituer des motifs ayant mené à la fin d'emploi. Par ailleurs, la plaignante n'a pas droit à des prestations d'assurance‐salaire puisqu'elle est indemnisée en vertu du régime d'indemnisation des victimes d'actes criminels (IVAC). Cette dernière a un lourd passé d'absentéisme confirmant un problème de toxicomanie, lequel a fait l'objet de 2 ententes de dernière chance, en 2010 et en 2017. L'alcoolisme et la toxicomanie sont des maladies. La dépendance dont souffre la plaignante constitue un handicap au sens de l'article 10 de la charte, ce qui impose certaines obligations à l'employeur. La mesure qu'il a prise est de nature administrative. L'entente du 14 juillet 2017 doit être qualifiée d'entente d'accommodement plutôt que d'entente de dernière chance, ce qui est davantage conforme à la situation juridique des parties. La plaignante devait être considérée comme en invalidité à compter du 7 août 2017 pour une période indéterminée, et ce, pour un diagnostic de trouble de l'adaptation. En conséquence, l'employeur devait vérifier les motifs sous‐tendant cette incapacité. Ses interventions se sont limitées à convoquer la plaignante à un test de dépistage, lequel s'est avéré positif. L'employeur avait pleinement connaissance du fait qu'elle vivait une situation délétère avec son conjoint, laquelle pouvait expliquer, du moins en partie, son absence du travail. Il ne pouvait congédier la plaignante sans tenir compte de l'ensemble du dossier, en faisant une application automatique d'une entente de dernière chance qui n'en était pas une. Le congédiement est annulé. Étant donné que la plaignante bénéficiait toujours de prestations de l'IVAC au moment des audiences, aucune compensation ne sera versée par l'employeur avant la date de consolidation établie en vertu de ce régime. Conformément à l'entente du 14 juillet, celle‐ci redeviendra en vigueur au moment du retour au travail de la plaignante, en étant adaptée aux principes retenus par la présente décision.