Cette seconde partie du présent ouvrage couvre les questions en lien avec l’application des mesures non disciplinaires. Encore ici, suivant le modèle retenu, nous analysons l’essentiel de la matière principale.

9.1 Qu’est-ce que l’abandon volontaire de l’emploi ?

L’abandon volontaire de l’emploi constitue en fait une démission, qui est la rupture, par la volonté du salarié, du lien de droit qui l’unit à son employeur. La démission est un acte individuel qui met fin de façon définitive au contrat de travail. Elle se distingue du congédiement et du licenciement, qui relèvent de l’initiative de l’employeur. La démission constitue la rupture du lien de droit unissant un employeur à un salarié par la seule et unique volonté du salarié. La démission est le fait pour un salarié de quitter son emploi dans l’intention de quitter son emploi. L’intention de démissionner doit être manifeste et se faire dans un contexte libre, volontaire, certain et définitif.

9.2 Quelle est la procédure à suivre pour démissionner ?

La procédure de démission est assez simple. En principe, le salarié n’a qu’à donner sa démission à l’employeur pour que celle-ci soit valide. Toutefois, tant que l’employeur n’a pas accepté la démission, l’employé peut toujours révoquer sa décision. Une démission est un acte unilatéral de l’employé, valide dès sa transmission à l’employeur et qui ne peut être rétractée unilatéralement lorsqu’elle a été acceptée.

Ainsi, la demande de rétractation acceptée par l’employeur avant la date prévue de mise en application de la démission entraîne l’annulation pure et simple de la rupture envisage du contrat d’engagement. Les conditions posées par le salarié qui n’ont jamais été acceptées par l’employeur font en sorte que la démission donnée par le salarié devient caduque. Il est bon de noter que certaines conventions collectives prévoient une procédure particulière pour la démission, telle la présence d’un délégué syndical, etc. Un accroc à telle procédure peut être fatal.

9.3 Quels sont les critères à analyser en matière de démission ?

Pour déterminer s’il y a eu véritable démission, les éléments qui doivent être analysés sont notamment les suivants :

  1. toute démission comporte à la fois un élément subjectif (l’intention) et un élément objectif (la conduite du salarié);
  2. comme c’est un droit qui appartient au salarié, elle doit être volontaire;
  3. elle s’apprécie différemment selon que l’intention est ou non exprimée;
  4. elle ne se présume que si la conduite de l’employé est incompatible avec toute autre interprétation;
  5. l’expression de l’intention n’est pas nécessairement concluante quant à la véritable intention de l’employé;
  6. l’ambiguïté empêche de conclure à une démission;
  7. la conduite antérieure et ultérieure des parties constitue un élément pertinent.

Dans cette situation, l’on doit aussi être en présence de deux autres éléments, soit l’intention et la volonté du salarié de réellement démissionner, ainsi que la présence d’actes concrets et positifs qui sous-tendent cette intention. L’intention doit être claire, réelle et sans équivoque. Le geste concret peut être une parole ou un écrit, suivant le contexte.

Quant aux critères à évaluer pour déterminer de la validité de la démission, l’on réfère à :

  • l’état de santé du salarié;
  • la présence ou non d’un vice de consentement;
  • le comportement ultérieur des parties;
  • les circonstances, par exemple, s’il s’agit d’une décision intempestive ou précipitée.

9.4 Qu’en est-il de l’état de santé du salarié dans ce cas ?

L’état de santé du salarié peut l’empêcher de donner un consentement libre et volontaire, c’est-à-dire un consentement valable. Par exemple, l’intoxication, la dépression, la psychose, l’anxiété, l’état psychologique, etc. peuvent avoir une incidence sur le consentement du salarié. C’est l’employeur qui a le fardeau de prouver que le salarié a démissionné, et le salarié n’a pas à démontrer qu’il n’a pas démissionné.

Comme nous l’avons déjà mentionné, pour déterminer s’il y a eu démission ou non, il y a deux critères fondamentaux à respecter : en premier lieu, l’on doit considérer l’existence d’un élément subjectif, soit l’intention de rompre le lien d’emploi, et en deuxième lieu, l’on doit considérer l’existence d’un élément objectif, soit l’acte positif par lequel le salarié exprime sa volonté en ce sens.

L’absence du salarié, justifiée par un certificat médical non contesté par l’employeur, fait en sorte qu’il n’y a pas abandon d’emploi ni démission. L’opinion d’un témoin expert concernant les capacités mentales d’un salarié lors d’une démission doit être fondée sur des faits qu’il a observés ou qui ont été légalement prouvés. Donc, il faut être prudent dans le cas où le salarié invoque son état de santé lors d’une démission.

9.5 Qu’est-ce que le vice de consentement dans le cadre d’une démission ?

Comme nous l’avons mentionné à la question 9.1, le consentement doit être libre et éclairé, mais il peut parfois être vicié par l’erreur, la crainte ou la lésion. Le vice de consentement du salarié peut être occasionné par la démission comme solution de rechange au congédiement, ou encore par le peu de temps laissé au salarié pour réfléchir à la décision, des menaces d’accusation criminelle à défaut de démission, des menaces de suspension sans solde jusqu’à la fin d’une enquête policière, de l’intimidation, des menaces de recours à l’intervention policière, etc. En somme, il y a congédiement et non démission libre et volontaire lorsque le consentement est vicié par la menace de l’employeur.

9.6 Pourquoi faut-il tenir compte du comportement ultérieur à la démission ?

L’un des critères pris en considération par les tribunaux d’arbitrage est la conduite subséquente du salarié démissionnaire, mais aussi celle de l’employeur. Le comportement général du salarié circonscrit dans un espace-temps assez précis peut permettre de déterminer si le salarié a implicitement démissionné; c’est pour cela qu’il faut évaluer le comportement des parties pendant cette période. La conduite antérieure et ultérieure des parties constitue un élément pertinent à analyser et à évaluer.

9.7 Qu’est-ce qu’une démission implicite ?

Il y a démission implicite du salarié lorsque celui-ci effectue certaines démarches qui ont pour effet de remettre en cause son lien d’emploi avec son employeur. La démission implicite comprend l’abandon de son travail, ou encore le refus de venir au travail à la suite du rappel de l’employeur, le refus d’occuper un autre poste de travail que le sien, soit toute situation où même en l’absence d’une déclaration du salarié selon laquelle il démissionne, son comportement est incompatible avec toute autre possibilité. Il peut y avoir démission implicite lorsque le salarié cherche ou occupe un autre emploi, prend des vacances ou des congés non autorisés, refuse de travailler, refuse d’exercer d’autres tâches que les siennes, etc.

9.8 Qu’arrive-t-il lorsque le salarié démissionne sous l’effet de la colère ?

L’acceptation d’une démission donnée dans un moment de colère et de tension peut constituer un prétexte pour se débarrasser d’un salarié. De façon pratique, il peut ne pas y avoir de démission lorsque celle-ci est donnée dans un geste de colère, sur un coup de tête ou sous l’emprise de la frustration du salarié. En effet, dans ces cas, il n’y a pas de démission libre et volontaire donnée dans une situation manifeste dans un contexte certain et définitif.

9.9 Quels sont les effets possibles d’une démission ?

Il peut arriver que, pour toutes sortes de raisons, l’employeur ne désire pas que l’employé travaille à la suite de sa démission, que ce soit pour des motifs de confidentialité des renseignements, de rendement ou autres. Néanmoins, si l’employeur indique à l’employé de partir immédiatement, il est hautement probable que ce soit considéré comme un congédiement sans cause; le salarié a alors le droit d’être rémunéré pour la période entre la démission et la prise d’effet de cette démission.

À cet effet, les termes utilisés dans l’avis de démission sont importants. Si l’avis indique que l’employé démissionne, mais qu’il offre de rester pendant un certain temps pour assurer la transition et que l’employeur refuse cette proposition, ce sera considéré comme un congédiement. L’employeur est alors tenu de donner une indemnité. L’avis du salarié n’a pas pour effet de libérer les parties de leurs obligations. Voici des exemples d’avis de démission, lesquelles entreront en vigueur après la période prévue :

  1. Prenez avis par la présente, que je vous donne ma démission, qui entrera en vigueur le XYZ 20___.
  2. Ceci est pour vous aviser de ma démission. Celle-ci entrera en vigueur le XYZ 20___.

Le contrat de travail à durée indéterminée ne prend pas fin au moment même de la remise du préavis de démission. Il est bien acquis qu’il n’y a pas résiliation automatique du contrat de travail dès réception d’un délai de congé, et que la relation contractuelle perdure jusqu’à la date prévue par le délai de congé donné par le salarié. En conséquence, même après que le salarié au contrat de travail à durée indéterminée a donné un délai de congé à l’employeur, chaque partie demeure tenue de respecter les obligations qui lui incombent en vertu du contrat de travail jusqu’à l’expiration du délai.

Cela comprend l’obligation de donner un délai de congé en vertu des dispositions de l’article 2091 C.C.Q. qui s’imposent à celui qui souhaite, à son tour, mettre fin au contrat avant l’expiration du délai de congé donné par l’autre. Il est donc inopportun de traiter de la question de l’effet du délai de congé sous l’angle de la renonciation. Le fait de donner un délai de congé annonce la fin du contrat de travail. Il ne permet pas de déroger au principe selon lequel une partie ne peut unilatéralement cesser d’exécuter ses obligations contractuelles au détriment des droits de l’autre partie. L’argument fondé sur la renonciation au délai de congé, dans ce contexte, est donc une fiction irrecevable. L’employeur qui précipite la fin du contrat après qu’un salarié lui a donné un délai de congé n’effectue pas une « renonciation », mais bien une résiliation unilatérale du contrat de travail, ce qui n’est pas autorisé suivant les modalités prévues par les articles 1439 et 2091 C.C.Q.

En somme, l’employeur qui reçoit du salarié le délai de congé prévu par l’article 2091 C.C.Q. ne peut mettre fin unilatéralement au contrat de travail à durée indéterminée sans donner, à son tour, un délai de congé ou une indemnité qui en tient lieu. Le délai de congé donné par le salarié n’a pas pour effet de libérer immédiatement les parties de leurs obligations respectives découlant du contrat de travail. Si l’employeur refuse de laisser le salarié fournir sa prestation de travail et de le rémunérer pendant le délai de congé, il se trouve à « mettre fin au contrat ».

NB : Cette section 9.9 est un extrait de notre ouvrage Le contrat individuel de travail : Tout ce qu’il faut savoir, 2020, Wilson & Lafleur Ltée.

9.10 Quelle est la compétence de l’arbitre de griefs face à une démission ?

L’arbitre de griefs a compétence pour analyser les faits entourant une démission et déterminer s’il s’agit d’une véritable démission ou d’un congédiement déguisé. Il lui revient alors de s’assurer de la validité du consentement du salarié lorsque l’employeur invoque la démission de celui-ci, surtout, par exemple, lorsque le salarié prétend qu’il était dans un état dépressif à l’époque où il a donné son consentement. L’arbitre de griefs aurait compétence pour juger de la validité entourant la démission du salarié ou pour l’invalider, le cas échéant. Ainsi, lorsque la démission est entachée d’un vice de consentement, l’arbitre ne pourrait l’annuler, car cela relève des tribunaux de droit commun.

9.11 Que doit contenir l’avis de démission ?

Idéalement, lorsque c’est possible et suivant les circonstances, l’avis de démission peut contenir les éléments suivants :

  • le nom du salarié;
  • la date de l’avis et le moyen de la remise;
  • la confirmation de la démission du salarié;
  • le fait qu’elle est donnée de façon libre et volontaire;
  • le fait que le salarié a pu consulter;
  • le suivi de la démission;
  • la signature du salarié.

Voici un exemple plus élaboré de lettre de démission :


[Lieu, date et moyen de remise]

Monsieur [Madame] XCoordonnées

Objet : Lettre de démission


Monsieur [Madame],

Par la présente, je vous remets et je confirme ma démission du poste que j’occupais à titre de recherchiste pour votre entreprise.

En effet, faisant suite notamment à la rencontre que nous avons eue ce 11 septembre 20__, et après réflexion, je confirme que j’ai eu le temps de bien penser à la situation et je démissionne de façon libre et volontaire de mon emploi.

De plus, à la suite de cette rencontre, je confirme également que j’ai eu le temps nécessaire pour consulter un conseiller de mon choix.

Enfin, veuillez trouver ci-joint la convention de transaction et le reçu-quittance dûment signés, et dont chaque page porte mes initiales.

Je comprends que je recevrai, par le prochain courrier, ma cessation d’emploi et les sommes qui me sont dues.

Veuillez accepter nos salutations distinguées.

Monsieur XRecherchiste


À savoir !

Il n’y a pas de procédure particulière pour donner sa démission. Cependant, pour déterminer s’il y a eu véritablement démission, plusieurs facteurs s’appliquent.

À retenir !

En cas de doute quant à la volonté de démissionner de la part du salarié, il est préférable de clarifier la situation sans délai pour éviter toute situation problématique future.

Attention !

La démission appartient en propre au salarié. Elle ne peut se présumer et doit découler d’actes libres et volontaires.