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Le licenciement pour réorganisation administrative et pour motifs d’ordre économique

13.1 Quels sont les principes applicables dans les cas de licenciement pour réorganisation administrative et pour motifs d’ordre économique ?

Avant tout, un licenciement est une fin d’emploi qui résulte de motifs d’ordre économique ou technique. Un licenciement est en fait une mesure administrative intimement liée à des motifs économiques, budgétaires ou de réorganisation de l’entreprise, alors que le congédiement constitue une mesure liée à la conduite du salarié. La frontière entre ces deux concepts est parfois bien mince, comme le montrent les discussions dont ils ont fait l’objet en jurisprudence. Le licenciement est une rupture complète du lien d’emploi pour des raisons qui ne sont pas imputables au salarié. Au contraire, le congédiement suppose que l’employeur a toujours besoin des services de l’employé, mais que, pour une raison ou une autre, il n’entend plus qu’ils soient désormais rendus par celui-ci. Cette distinction a fait couler beaucoup d’encre.

Conformément à la jurisprudence, l’on arrive aux conclusions suivantes :

  1. le décideur a compétence pour déterminer si la décision de l’employeur est un licenciement ou un congédiement déguisé;
  2. un employeur ne peut utiliser le prétexte d’un licenciement pour se débarrasser d’un indésirable. Les motifs qui sont retenus par l’employeur doivent être objectifs, impartiaux et non inspirés d’éléments subjectifs propres à l’employé ciblé;
  3. pour déterminer si la terminaison d’emploi est un congédiement ou un licenciement, le décideur est autorisé à se pencher sur les critères de sélection. S’ils sont raisonnables, ils ne sont pas indicatifs d’un congédiement déguisé. S’ils ne le sont pas, ils en seront un indice.

Le bris unilatéral de la relation d’emploi par l’employeur peut résulter d’un congédiement disciplinaire, basé sur un motif subjectif relié au salarié, tels le rendement, le comportement ou le non-respect d’une obligation contractuelle. Ce bris unilatéral peut également résulter d’un licenciement administratif, fondé sur des motifs et objectifs reliés à l’entreprise, telles la diminution de la vitalité économique, la réorganisation administrative ou l’inadéquation entre le profil de l’emploi et celui de l’individu en cause.

La réalité du congédiement administratif renvoie aux situations de mise à pied, possibilité de retour au travail, ou de licenciement, non-possibilité de retour au travail.

Pour décider si la terminaison d’emploi est un congédiement ou un licenciement, le décideur est autorisé à se pencher sur les critères de sélection de l’employeur. S’ils sont raisonnables, ils ne sont pas indicatifs d’un congédiement déguisé. S’ils ne le sont pas, ils en seront toutefois un indice. Dans l’examen que le décideur peut faire des motifs de sélection pour déterminer s’il s’agit d’un congédiement ou d’un licenciement, il ne peut jamais imposer ses propres critères. Il peut seulement s’assurer que les motifs déclarés sont réels et non des prétextes destinés à camoufler un dessein illégal.

En cas de licenciement pour motifs économiques, le décideur n’a pas compétence pour déterminer quel salarié il est plus opportun de licencier; il doit simplement vérifier si l’employeur a agi avec objectivité et impartialité.

Aussi, lorsque l’employeur invoque un licenciement en opposition à une allégation de congédiement, le rôle du décideur consiste à évaluer si le motif organisationnel est la cause réelle de la fin de l’emploi ou s’il sert plutôt à camoufler un congédiement. Le décideur n’a pas à apprécier la justesse, l’opportunité ou le bien-fondé de la décision de l’employeur, mais, toutefois, s’il décèle dans cette décision un prétexte pour se départir des services d’un salarié, il peut considérer qu’il s’agit d’un congédiement et non d’un licenciement.

Lorsque l’employeur fait valoir que la cessation d’emploi du salarié s’inscrit dans le contexte d’un licenciement collectif partiel des employés de l’entreprise, il doit, entre autres, prouver les éléments suivants :

  1. 1) la réalité des difficultés financières ainsi que la nécessité de la réorganisation structurelle qui a suivi sont les causes qui sont à l’origine de la cessation partielle des activités de l’entreprise;
  2. 2) la justification et la rationalité de la décision subséquente de procéder à l’abolition du poste du plaignant, après avoir tenté de trouver une solution de rechange;
  3. 3) l’absence de considération déraisonnable, abusive, discriminatoire, arbitraire ou dictée par la mauvaise foi ayant motivé le choix de licencier le salarié plaignant plutôt que d’autres salariés, maintenus en poste.

Dans le cas de la réorganisation de l’entreprise, il a été décidé qu’en vertu du droit de gérance et de direction qui lui échoit, l’employeur peut modifier les conditions de travail de ses salariés, même de façon unilatérale, afin d’adapter l’environnement de travail à l’évolution de l’entreprise, afin de rendre celle-ci plus productive ou de répondre à des contraintes externes, etc. L’entreprise est une sorte d’écosystème, marqué de changements grands et petits. En conséquence, les conditions de travail sont dynamiques et non pas statiques, la marge de manœuvre de l’employeur dépendant évidemment des circonstances et des termes du contrat de travail.

Pour le fardeau de preuve en matière de licenciement, il appartient à l’employeur de justifier d’une façon raisonnable pourquoi un salarié a été licencié plutôt qu’un autre qui a moins d’ancienneté.

À partir du moment où l’employeur fait la preuve à la fois des sérieuses difficultés économiques auxquelles il a fait face et de la nécessité d’abolir des postes, le fardeau de la preuve repose alors sur les épaules du salarié de démontrer que, contrairement aux apparences, la fin de son emploi était fondée sur des critères partiaux, illicites ou discriminatoires.

Ainsi, lorsque l’employeur invoque un motif relié à une question d’ordre économique au soutien de la fin d’emploi du salarié, il doit en faire la preuve en premier lieu. Une fois que cette preuve est faite, le fardeau de preuve revient au salarié plaignant, qui peut tenter de démontrer que la décision de l’employeur constitue un congédiement déguisé, par opposition à un licenciement.

En somme, en matière de licenciement, l’employeur doit démontrer de façon prépondérante ses difficultés économiques; pour ce faire, il doit présenter une preuve qui en rende l’existence plus probable que l’inexistence.

13.2 Est-ce que l’employeur est tenu de faire des efforts pour replacer un salarié en cas d’abolition de poste fondée sur des motifs économiques ou de réorganisation ?

Le droit du salarié au maintien en emploi signifie qu’un employeur doit faire des efforts afin de maintenir le lien d’emploi. S’il y a réorganisation des activités de l’entreprise pour des motifs techniques ou économiques, l’employeur doit considérer toutes les avenues possibles pour faire une place au salarié.

Dans ce dernier cas, il ne s’agit pas de lui imposer une obligation légale de replacer le salarié ou encore de s’immiscer dans ses droits de chef d’entreprise, mais de vérifier si, dans la mise en œuvre de sa décision, il a tenu compte du bon sens et de l’usage dans le monde du travail.

L’obligation de l’employeur de faire des efforts pour replacer le salarié dont le poste a été aboli a son corollaire : le salarié doit démontrer un intérêt pour être replacé et accepter les conditions de travail du poste qu’on lui offre.

En matière de licenciement fondé sur des motifs économiques, l’employeur doit offrir au salarié le travail à temps partiel avant de l’offrir à quelqu’un d’autre. Le fait de ne pas offrir le poste à temps partiel au salarié licencié peut, selon le cas, équivaloir à un congédiement.

13.3 Quels sont les principes applicables dans les cas de licenciement collectif ?

Sans entrer dans tous les détails techniques et juridiques du licenciement collectif, mentionnons que les dispositions de la Loi sur les normes du travail imposent à l’employeur qui procède à un licenciement collectif pour des raisons d’ordre technologique ou encore économique l’obligation de transmettre un avis au ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale dans des délais minimaux, qui varient selon le nombre de salariés touchés par la décision. Aussi, ni la loi ni le règlement n’interdisent à l’employeur de donner un avis plus long que celui prévu.

Le but de l’avis de licenciement collectif n’est pas d’informer les salariés de la fin de leur emploi, mais plutôt de mettre en place des mesures visant à réduire les conséquences du licenciement collectif, entre autres, par la constitution d’un comité d’aide au reclassement, tout en leur offrant plus de temps pour chercher un nouvel emploi.

Les dispositions sur le licenciement collectif créent un régime d’indemnisation distinct de celui qui s’applique aux cas individuels. Ces indemnités ne sont pas cumulables par le salarié. Chaque indemnité doit être versée selon les modalités propres à chacun de ces deux régimes.

La remise de l’avis par l’employeur ne libère pas celui-ci de son obligation de fournir un avis de cessation d’emploi en vertu de la Loi sur les normes du travail. Aussi, l’employeur n’est pas tenu de déterminer la date d’entrée en vigueur du licenciement; on lui demande plutôt d’indiquer la date prévue de celui-ci.

En effet, le licenciement collectif n’a pas nécessairement lieu à une date précise, mais peut s’échelonner sur une période plus ou moins longue. La définition même de la notion de licenciement collectif réfère aux licenciements de salariés sur une certaine période. Comme l’employeur n’a pas à fournir le nom des salariés visés, il n’a pas non plus à informer le ministre de chacune des dates de licenciements individuels. De plus, en n’imposant pas à l’employeur l’obligation de déterminer la date d’entrée en vigueur du licenciement, cela lui laisse une certaine marge de manœuvre opérationnelle.

Dans les faits, l’employeur peut s’ajuster aux circonstances et ainsi devancer ou reporter un licenciement collectif sans avoir à reprendre le processus au complet, dans la mesure, évidemment, où la date d’entrée en vigueur du licenciement a lieu dans les limites raisonnables de la date prévue qu’il a déjà annoncée. Ainsi, il ne servirait à rien d’annoncer une date quelconque sans lien avec la réalité, sauf, peut-être, pour éviter l’application de la loi. Il va de soi qu’une telle action serait contraire à l’esprit de la loi.

Celle-ci n’interdit pas non plus à l’employeur de mettre à jour l’avis qui a été émis, soit en devançant ou en reportant le licenciement collectif, dans la mesure où cette mise à jour respecte les exigences légales et réglementaires. Si l’avis n’est pas donné ou s’il est donné dans un délai insuffisant, l’employeur sera alors tenu de verser aux salariés visés, à titre de pénalité, une indemnité équivalente au salaire habituel, sans tenir compte des heures supplémentaires, pour une période égale à la durée du préavis.

L’objet de l’avis de licenciement collectif n’est pas la terminaison de l’emploi d’un ou des travailleurs, mais bien l’intention de l’employeur de procéder à un licenciement collectif pour des motifs économiques ou technologiques. Ainsi, bien que l’objectif général de la loi soit toujours de permettre aux salariés de se trouver un nouvel emploi en raison des répercussions d’un licenciement massif chez un employeur, elle vise à protéger les salariés.

En premier lieu, la loi met en place des processus visant à régler les problèmes particuliers découlant de la perte d’un nombre important d’emplois de manière simultanée dans une même entreprise. En effet, le licenciement collectif de salariés peut toucher durement une industrie, un secteur d’activité ou même une région, et rendre ainsi encore plus difficile le maintien des salariés à l’emploi ou leur réintégration après une période de chômage. Des mesures d’assistance et de protection adaptées à ces situations sont offertes et reposent sur une approche collective des conséquences de la décision annoncée par l’employeur, en visant l’ensemble des salariés.

En second lieu, la Loi sur les normes du travail protège aussi l’ensemble des travailleurs visés en assurant le gel de leur salaire, ainsi que le maintien des régimes d’assurance collective et de retraite pendant la période fragile précédant la réalisation du licenciement collectif. Également, comme nous l’avons mentionné, l’avis de licenciement collectif prévu par la loi n’a pas pour objectif premier d’informer les salariés de leur licenciement dans l’avenir.

D’ailleurs, cet avis ne leur est pas adressé et la loi n’oblige même pas l’employeur à leur en donner une copie. L’avis est plutôt destiné au ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale parce qu’il déclenche un processus administratif destiné à soutenir l’ensemble des salariés visés et que ces démarches sont du ressort du ministre.

En ce qui a trait au fardeau de la preuve imposé à l’employeur à l’occasion d’une mise à pied, c’est celui de démontrer sa bonne foi dans l’exercice du droit de gérance. De plus, la bonne foi ne doit pas être reliée à la décision de remettre l’avis de licenciement, mais plutôt à celle de ne pas le remettre. Il faut donc considérer que dès qu’il y a une mise à pied collective dont la durée prévisible est de plus de six mois, la règle est la remise d’un avis à cet effet au ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale et à chaque salarié visé par le préavis tenant lieu de l’indemnité de licenciement prévue à la loi. Cette règle découle d’une obligation d’ordre public, visant à protéger les salariés de même que la collectivité touchée par un licenciement collectif.

À savoir !

Il faut faire la distinction entre le congédiement et le licenciement, car les obligations de l’employeur dans les deux situations ne sont pas les mêmes.