Dans le chapitre 8, section 8.8 du présent ouvrage, nous avons vu les situations en lien avec les problèmes disciplinaires liés à l’alcool et la drogue. Dans le présent chapitre, nous en analysons les aspects non disciplinaires.
10.1 Qu’est-ce que la fin d’emploi pour cause de consommation de drogue et d’alcool ?
Il s’est écrit beaucoup de choses au fil des ans sur la possibilité pour un employeur de mettre fin au contrat de travail d’un salarié en raison de l’incapacité de ce dernier de fournir une prestation normale de travail causée par une dépendance aux drogues ou à l’alcool. Sans entrer dans tous les méandres des concepts juridiques élaborés au fil des ans par les tribunaux, il faut noter principalement que lorsque l’employeur peut relier les retards, l’absentéisme, les absences non autorisées et autres manquements à la dépendance à l’alcool et aux drogues, il doit gérer le dossier du salarié en privilégiant une approche administrative plutôt qu’une approche purement disciplinaire.
En effet, dans ces cas, l’intervention de l’employeur ne doit pas être punitive, c’est-à-dire par l’intermédiaire d’une approche disciplinaire. L’intervention de ce dernier doit en être une de soutien envers le salarié, par exemple, en l’aidant à suivre une cure. Une approche mixte peut parfois faire réfléchir et faire comprendre au salarié que son comportement n’est pas approprié. L’objectif de l’intervention est d’aider à la réhabilitation. Ce n’est que si la réhabilitation n’est pas possible que l’employeur sera alors justifié de mettre fin à l’emploi du salarié. Il arrive souvent que l’employeur décide aussi d’adopter une approche mixte pour faciliter la réhabilitation.
L’objectif est en premier lieu de sanctionner les manquements volontaires du salarié, soit les retards, les absences, etc. par une mesure disciplinaire pour faire comprendre au salarié qu’il doit changer son comportement. En second lieu, l’employeur doit adopter des mesures administratives dans le but de faciliter la réhabilitation de l’employé, par exemple, en l’aidant à suivre une cure de désintoxication.
Il est reconnu que la dépendance aux drogues et alcools constitue un handicap au sens de la Charte des droits et libertés de la personne. L’employeur a alors une obligation d’accommodement. L’évolution de la jurisprudence dans le domaine des droits de la personne a modifié les principes traditionnels appliqués en matière de cessation d’emploi pour cause d’inaptitude au travail. Maintenant, il est établi qu’un employeur ne peut plus procéder au congédiement administratif d’un salarié en appliquant simplement le test classique à deux volets, soit l’absentéisme élevé et l’incapacité de fournir, dans un avenir prévisible ou rapproché, une prestation normale de travail. En fonction de son obligation d’accommodement, l’employeur doit envisager la possibilité de maintenir le salarié dans son emploi.
Dans tous les cas de discrimination, l’employeur a le fardeau de démontrer que sa décision est fondée sur des aptitudes ou des qualités raisonnablement requises, donc justifiées, et que les mesures d’accommodement lui imposent une contrainte excessive.
Ainsi, même s’il peut s’agir d’un motif de discrimination illicite, le fait pour un employeur de maintenir à son service une personne incapable de fournir une prestation régulière de travail représente une mesure d’accommodement ayant un caractère excessif, et ce, surtout dans le cas où rien n’indique que la situation du salarié est susceptible de s’améliorer dans un avenir prévisible, ce qui peut être le cas avec l’alcool et les drogues.
Dans les cas d’incapacité de fournir une prestation de travail, pour déterminer le bien-fondé d’une fin d’emploi pour cause de maladie, les critères qui doivent être utilisés sont habituellement les suivants :
- un taux chronique ou excessif d’absences ;
- un préjudice en résultant pour l’entreprise ;
- l’incapacité du salarié de fournir, dans un avenir rapproché, sa prestation normale de travail.
Concernant le premier critère, il est à noter que plus un salarié compte d’années de service continu, plus son employeur doit faire preuve d’accommodement, et ce, comme juste retour à la loyauté du travailleur quant aux absences pour cause de maladie. En outre, le fait que l’absence n’ait pas été d’une durée excessive prouve généralement qu’il n’y a pas de cause juste et suffisante de fin d’emploi.
En ce qui concerne le critère du préjudice, il ne peut à lui seul constituer une cause juste et suffisante de fin d’emploi puisque cela irait à l’encontre de la loi et viderait également de son sens l’obligation d’accommodement.
Enfin, quant au critère relatif à la capacité du salarié de fournir, dans un avenir rapproché, sa prestation normale de travail, celui-ci doit également faire l’objet d’une utilisation judicieuse. Il ne peut trouver application dès le début d’une absence pour maladie parce que cela reviendrait à nier au salarié tout droit à une telle absence et rendrait futile l’obligation d’accommodement de l’employeur. L’évaluation de la capacité du salarié d’exercer ou non son emploi doit normalement se faire au moment où la durée de l’absence pour maladie devient excessive.
L’alcoolisme
L’employeur qui veut imposer une mesure disciplinaire à un salarié qui souffre d’alcoolisme doit démontrer l’incapacité de ce dernier à fournir sa prestation régulière de travail, son incapacité à faire son travail tant qu’il ne sera pas abstinent, ainsi que les efforts sérieux qu’il a déployés afin d’inciter le salarié à régler son problème.
La toxicomanie
La toxicomanie, tout comme l’alcoolisme, est considérée comme une maladie et les mêmes principes s’appliquent.
La preuve de faits postérieurs
En ce qui concerne la preuve de faits postérieurs, celle-ci est admissible devant les tribunaux à certaines conditions. L’on fait alors référence à la preuve de réhabilitation du salarié.
La réintégration conditionnelle
La réintégration conditionnelle d’un salarié souffrant de problèmes d’alcool ou de drogue est monnaie courante en matière de relations de travail. Dans ce cas, il arrive souvent que les parties conviennent d’une entente de la dernière chance. L’objet est de permettre à l’employé de démontrer qu’il est maintenant digne de confiance et que l’on peut compter sur lui. Nous référons le lecteur au chapitre 4 du présent ouvrage pour le détail de l’entente de la dernière chance.
La réintégration conditionnelle d’un salarié, ou l’entente de la dernière chance, prévoit souvent l’utilisation par l’employeur de tests de dépistage aléatoires. Suivant le contexte et les circonstances, il est reconnu que ce type de test peut être utilisé par l’employeur.