« Dans notre culture, la ménopause est beaucoup trop perçue comme négative et fait souvent l’objet de blagues de mauvais goût. Le stéréotype de la femme ménopausée est peu flatteur et est entretenu par un certain âgisme qui dévalorise la femme », interpelle la Fondation canadienne de la ménopause dans son guide Ménopause, au travail! à destination des employeurs. Une stigmatisation pouvant réduire les femmes ménopausées au silence.
Et pourtant, la ménopause touche la moitié de la population, soit toutes les femmes. La majorité l’atteint entre 45 et 55 ans. Au Canada seulement, cette tranche d’âge représente 2 millions de travailleuses… et grimpe à 5 millions si l’on ajoute celles en préménopause.
Selon la Fondation, ce sont 3 femmes sur 4 qui souffrent de symptômes limitant leur vie quotidienne. « La ménopause n’est pas une maladie », affirme Radomir Jarcevic, obstétricien et gynécologue au CIUSSS de l’Est de l’île de Montréal, spécialisé en ménopause et chargé d’enseignement clinique à l’Université de Montréal. « C’est une étape de la vie, comme la grossesse, mais qui peut avoir des répercussions importantes », soutient-il. Des conséquences qui touchent les familles, mais aussi les milieux de travail et la société.
Chaud devant!
Chaque année au pays, ce sont 540 000 jours de travail perdus à cause des symptômes non maîtrisés de la ménopause, analyse la firme Deloitte[1]. Un trou de 3,5 milliards de dollars pour l’économie canadienne. Et c'est presque du même montant que la ménopause ampute le revenu des travailleuses!
Alors que certaines se résolvent à travailler à temps partiel, refusent une promotion ou changent d’emploi pour réduire leurs responsabilités, une femme sur 10 se voit obligée de quitter le marché du travail en raison de symptômes devenus débilitants.
« Les employeurs veulent retenir et attirer ces femmes, car elles ont beaucoup à apporter. Elles sont expérimentées, avisées, elles ont encadré et formé la relève », énumère Trish Barbato, directrice de la Fondation. Créer un milieu inclusif pour la ménopause révèle de nombreux avantages pour les organisations. En plus de réduire l’absentéisme, elles diminuent leurs pertes et leurs coûts de recrutement liés aux départs des salariées. Les milieux de travail qui promeuvent les stratégies en matière de diversité, d’équité, d’inclusion et d’appartenance, non seulement soutiennent la santé et le bien-être des femmes mais accroissent aussi l’engagement de celles-ci. Des initiatives gagnantes qui contribuent à améliorer la rétention des employées au moment où leur carrière s’épanouit.
Comment agir?
Dans son guide Ménopause, au travail!, La Fondation propose aux organisations un plan d’action en points :
Écouter et en parler
« En reconnaissant et en démystifiant la ménopause, on peut la normaliser sur le lieu de travail, permettant ainsi aux femmes de continuer à avoir confiance dans leur profession et leur carrière », perçoit Trish Barbato.
Les groupes de support, les formations ou des webinaires ont du succès. Ils éliminent les obstacles en plus de remettre en question les incompréhensions ou les stéréotypes. Sun Life[2], par exemple, organise régulièrement des séances mondiales sur le bien-être axées sur la ménopause et la santé des femmes. Des conversations authentiques en compagnie d’experts et d’expertes externes. La BMO[3] a de son côté lancé une série de webinaires mettant en vedette des spécialistes de la santé des femmes dans le but de créer des espaces sécuritaires pour apprendre et échanger.
Encourager les gestionnaires à suivre des formations pour proposer des façons d’écouter, d’apprendre et de fournir du soutien tout en respectant les limites personnelles et la confidentialité de chaque employée est tout aussi gagnant. Une meilleure connaissance de la ménopause et de ses conséquences sur le travail leur permet ainsi de faire preuve de bienveillance, d’enrayer la stigmatisation et d’appuyer les mesures d’adaptation possibles. Les gestionnaires qui font part de leur expérience personnelle - ou de celle d’une proche - avec compassion, contribuent également à briser le tabou et incitent les autres à en faire autant.
Pour le Dr Jarcevic, il faut finalement inviter tout le monde au débat. Faire participer les à la discussion en tant qu’alliés, et éduquer les jeunes générations, s’avère crucial pour favoriser un dialogue ouvert ainsi qu’une culture inclusive de soutien.
Créer ou réviser des politiques
La ménopause devrait être prise en compte dans l’intégralité de l’expérience de travail, des pratiques d’embauche à la gestion des absences de courte et longue durée, en passant par l’environnement de travail, la formation et le perfectionnement.
(S)’adapter
Une meilleure ventilation et climatisation, un accès facile à une source d’eau potable froide et à la salle de bain, des poubelles suffisamment grandes dans les toilettes pour jeter les protections hygiéniques, des uniformes en fibres naturelles et respirantes avec possibilité de superposition… Ce sont autant de petits changements, mais qui, mis bout à bout, peuvent faire une différence majeure dans la vie professionnelle d’une personne. La Fondation a d’ailleurs publié une pertinente liste de vérification en vue d’améliorer les milieux de travail[4].
Du côté des horaires, des organisations telles que Sun Life offrent des possibilités de travail flexible et hybride pour équilibrer les journées. Et pourquoi ne pas revoir les tâches ou repenser la charge de travail?
Bonifier
Offrir des avantages sociaux est un excellent moyen de soutenir les employées. Chaque année, la BMO adapte ses régimes et s’assure qu’ils couvrent des traitements médicamenteux (comme l’hormonothérapie substitutive) et les soins paramédicaux (comme la physiothérapie). Les femmes méritent de bénéficier aussi de suivis en nutrition ou en santé mentale.
« Des fois, on crée une certaine anxiété collective, alors que de nombreuses femmes vont très bien traverser la ménopause, avec peu de symptômes. Beaucoup vont vivre un soulagement, sans douleurs menstruelles, sans règles, et retrouver une certaine qualité de vie », nuance finalement Radomir Jarcevic. D’où l’importance d’être à l’écoute de ses employées afin de répondre le mieux possible à leurs besoins.