L’année 2023 présente de « grands et beaux défis » en matière de rémunération, estime Lucie Besnoist, CRHA.
Selon la conseillère principale, Rémunération, chez Normandin Beaudry, le marché du travail a été marqué par une grande effervescence au cours des deux dernières années. Ce phénomène aura des conséquences rapides et durables sur le traitement, l’attraction et la rétention des employés et employées. Certaines organisations devront « faire des choix rapides, parfois dans l’urgence et avec un manque de cohérence ».
Ces bouleversements sont attribuables à plusieurs facteurs, soutient la CRHA, à commencer par la pandémie de COVID-19, qui a « fait évoluer les comportements et les attentes des travailleurs ». Désormais, ils accordent une plus grande importance à leurs aspirations professionnelles.
« [De nombreuses démissions] expliquent ce taux de roulement sans précédent. […] des gens ont quitté leur emploi pour s’accomplir ailleurs, mentionne Lucie Besnoist. Il y a aussi le mouvement de démission silencieuse (quiet quitting), qui illustre la volonté des employés de s’en tenir uniquement à ce qu’on attend d’eux. »
Le second facteur de changement concerne l’inflation et ses effets sur les augmentations salariales, qui ont « atteint des sommets au cours des derniers mois », souligne Lucie Besnoist.
L’actuelle pénurie de main-d’œuvre est le troisième et dernier élément ayant contribué aux bouleversements du marché de l’emploi. Il y a moins de personnes actives disponibles et un écart entre les compétences requises pour un emploi et celles détenues par les candidats et candidates. Un grand nombre de travailleurs et travailleuses d’expérience ont par ailleurs pris leur retraite ou réduit leur nombre d’heures de travail.
Conjuguer besoins et attentes
Pour se démarquer, les entreprises ont donc intérêt à « offrir un environnement de travail attirant et sain », soutient Lucie Besnoist. En 2023, l’offre de rémunération doit être juste et cohérente pour avoir du sens pour le personnel.
La conseillère propose quelques bonnes pratiques pour surmonter les défis que pose le marché de l’emploi.
D’abord, il faut voir à la flexibilité de l’offre de rémunération. Selon un sondage mené à la fin de la dernière année auprès de travailleurs et travailleuses au pays, cette flexibilité est la principale motivation à demeurer fidèle à son employeur.
« Dès lors, on doit s’interroger sur les mesures qu’on souhaite mettre en place et pourquoi on veut le faire. Il faut aussi faire l’arbitrage entre les attentes et les besoins des employés, notamment pour la conciliation travail-vie familiale, et ceux de l’employeur, soit le lieu de travail, la durée de la semaine de travail et l’offre de journées personnelles », dit Lucie Besnoist.
Ces décisions doivent être prises en tenant compte de la réalité d’affaires de l’organisation. « Certains employés souhaiteraient être seulement en télétravail. Il faut cependant que la formule soit analysée selon les besoins d’affaires de l’employeur, nuance Lucie Besnoist. A-t-on des objectifs en matière de développement professionnel, de collaboration entre employés? Il faut voir dans quelle proportion de télétravail la satisfaction de ces besoins est possible et optimale. »
Les employeurs doivent aussi analyser les avantages consentis à des membres du personnel ou à l’ensemble de celui-ci, le tout dans une optique d’équité. « Être flexible exige parfois de faire des exceptions pour accommoder. Il faut du courage pour justifier certaines décisions », avise Lucie Besnoist.
L’épineuse question de la rémunération
Il est encore difficile de savoir avec certitude si les augmentations salariales soutenues ou hors cycle observées récemment se poursuivront, poursuit Lucie Besnoist, ou si au contraire, on constatera un ralentissement provoqué par la récession. « Ce que l’on sait, c’est que les organisations doivent être en mesure de se préparer à un changement, qu’il survienne à la hausse ou à la baisse », explique la conseillère.
Elle invite à la transparence en matière de rémunération. « Rétablir la perception d’équité et de justice doit être une priorité en 2023 pour entretenir un sentiment de confiance et d’engagement des employés, dit-elle. Il faut donc éviter de faire des choix à la pièce et se doter de politiques claires en matière de gouvernance. »
« Dans le contexte de pénurie de main-d’œuvre, les attentes des employés sont élevées, et les organisations ont plus que jamais besoin de se structurer pour expliquer la distribution du budget. Ça prend du courage managérial pour calibrer le tout, pour reconnaître la contribution de chacun de façon équitable et pour expliquer les raisons des traitements différenciés », poursuit la conseillère.
Progression et équité
La présence d’occasions de développement professionnel et un cheminement de carrière à long terme constituent le deuxième facteur de loyauté chez les travailleurs et travailleuses. Il est important de définir les différentes avenues qui peuvent s’offrir au personnel au sein de l’organisation.
Il s’agit d’ailleurs là d’un enjeu souvent abordé dans les entretiens d’embauche. Il faut donc se préparer pour y répondre, encore plus dans le contexte actuel, où candidats, candidates, employés et employées sont l’objet de sollicitations par d’autres entreprises, selon la spécialiste en rémunération.
« On observe le concept de l’employé compétent au cœur d’une aventure inspirante, qui teinte la rémunération globale en plus d’offrir des perspectives de carrière à la hauteur des attentes des employés et une progression salariale équitable », illustre la CRHA. Elle propose de créer des profils de compétences définissant les attentes relatives à chaque parcours professionnel, ce qui permet aux membres du personnel de se projeter à long terme dans l’organisation.
« Rappelez-vous cependant que ce n’est pas tout le monde qui cherche à progresser à la même vitesse ni dans la même direction », prévient Lucie Besnoist.
Communication et authenticité
Adapter sa stratégie et les pratiques de l’entreprise aux enjeux sociétaux actuels est aussi une avenue gagnante.
« Les employés vivent une quête de sens par rapport à leur travail; ils veulent laisser leur marque et contribuer de façon concrète au mieux-être de la société », rappelle Lucie Besnoist.
Au cours des dernières années, cela s’est traduit par un lien plus fort entre certaines mesures de performance environnementales, sociales et de gouvernance. Ces critères se doivent d’être incarnés sur plusieurs plans dans l’entreprise, non seulement dans la représentativité au sein des conseils d’administration et dans la responsabilité sociale de l’entreprise, mais aussi dans la rémunération, avec un souci pour l’équité, la diversité et l’inclusion (EDI).
« Il faut revoir certaines pratiques de rémunération pour cerner les biais discriminatoires potentiels, mentionne Lucie Besnoist. Il faut s’assurer que les pratiques ne favorisent pas ou ne défavorisent pas certaines personnes. »
Enfin, établir une communication constante avec les membres de son personnel à propos des changements à survenir au sein de l’organisation est crucial pour s’assurer de leur adhésion.
Il faut également former les gestionnaires à devenir des ambassadeurs et ambassadrices auprès du personnel afin que l’information soit transmise adéquatement. « Ce sont des interlocuteurs privilégiés, qui entretiennent une proximité avec les travailleurs », rappelle Lucie Besnoist.
La clé du succès repose sur cette communication et sur l’authenticité, conclut-elle. « Il faut veiller à ce que vos initiatives et vos actions reflètent vos intentions et vos valeurs, évoque-t-elle. Votre démarche doit être sincère et perçue comme telle par vos employés. »
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