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Cultiver sa créativité : penser juste, mais différemment!

Faire plus et faire mieux, c’est bien, mais faire différemment, c’est s’ouvrir à de nouvelles possibilités. Or, la créativité est la pièce maîtresse de l’innovation et une clé de compétitivité en affaires.

29 juin 2011
Myriam Jezequel

Absolument tendance, la créativité s’enseigne désormais dans les écoles de management. Alors, qu’attend-on pour stimuler l'esprit inventif de son équipe, cultiver son propre sens créatif et constituer un « capital de créativité » dans l’entreprise?  

De la créativité avant toute chose
La créativité d’une équipe se révèle à sa capacité à imaginer de nouvelles solutions. Elle sait aborder un problème sous un nouvel angle, s’adapter à des situations, découvrir des voies inexplorées, prendre des chemins de traverse et s’éloigner des modèles traditionnels. Elle peut porter un regard neuf sur une situation. En somme, elle voit ce que d’autres ne voient pas. Mais la créativité est-elle une aptitude qui se développe? Peut-on l’encadrer, la valoriser et la rentabiliser? Et comment intégrer cette compétence dans l’entreprise?

Devient-on créatif?
Est-il possible de révéler un réel potentiel de créativité chez un employé au QI analytique très élevé? Pour les experts en créativité, « être ou ne pas être créatif » n’est pas la question, mais plutôt : comment devenir créatif? Luc de Brabandere et Anne Mikolajczak affirment, dans Le plaisir des idées – Libérer, gérer et entraîner la créativité au sein des organisations : « Devenir créatif ne s’improvise pas ; la créativité s’apprend, se travaille et se gère ». « Dans une large mesure, les gens décident d’être créatifs », affirme même Robert J. Sternberg. Selon plusieurs experts, la capacité à créer peut s’exercer à force de sollicitations, d’exercices et d’un peu d’entraînement. « On peut l’apprivoiser, la provoquer, la stimuler de mille et une manières », soulignent Alan Robinson et Sam Stern. Finie l’image de la créativité associée aux loisirs récréatifs, à la folie ingénieuse de savants ou à l’élan créatif réservé à une poignée d’artistes! Ce potentiel peut s’éveiller grâce à des techniques de créativité intégrées aux séances de remue-méninges.

Libérer la créativité
Si quelqu’un fait une réflexion à première vue saugrenue, il court le risque d’entendre : « Revenons à notre sujet ». Une idée neuve qui s’écarte du sujet peut être immédiatement reléguée aux oubliettes et discréditée par un simple : « Ça n’a pas de bon sens! ». C’est pourquoi un mot d’ordre lors des ateliers de créativité est d’accueillir toute idée émise librement, même la plus folle, en disant : « Tiens, pourquoi pas? » ou « Y a-t-il quelque chose à retenir? ». Cette activité valorise l’imagination (intelligence créative) pour générer des idées nouvelles, aussi foisonnantes que déroutantes. Il reste à évaluer ces idées (intelligence analytique), puis à mettre en pratique ou à implanter les idées retenues (intelligence pratique). Toutefois, pour libérer cette créativité, il est préférable de se débarrasser de tout ce qui peut la cadenasser : conformisme, résistance au changement, appréhension du risque, règles rigides, inertie, valeurs traditionnelles, etc.

Des exercices pour entraîner la créativité
Lors de séances de remue-méninges, il arrive que les participants hésitent à « suggérer des idées qui sont en contradiction avec ce que la société a toujours fait ou croit être vrai », que « les individus se censurent eux-mêmes » par crainte de la critique (même silencieuse) ou de peur que les bêtises qu’ils ont dites nuisent à leur réputation (Robert Sutton, 2001). Pour contrer ces effets créaticides de l’esprit bien-pensant, plusieurs méthodes sont proposées : émettre des idées stupides, faire une liste des pires idées possibles, des pires caractéristiques des concurrents clés, assigner à un participant le rôle d’avocat du diable pour énoncer des lacunes dans des hypothèses de travail. L’objectif? Faire émerger une idée décalée qui, selon Robert Sutton, « permet aux individus de prendre du recul et les aide à voir ce qu’ils font bien, ce qu’ils font (involontairement) mal et ce qu’ils devraient faire différemment à l’avenir ».

Autres techniques de stimulation
Pour muscler sa créativité, il existe aussi des techniques basées sur la langue qui délie l’imagination, comme les jeux de mots. Par exemple, un facilitateur de créativité peut inviter un groupe à décomposer et recomposer des mots pour en créer de nouveaux (par exemple « computopie » pour illustrer l’utopie d’une société totalement informatisée). Une autre technique consiste à procéder par analogie : « Imaginez que vous devez transposer ce problème dans un autre univers ». C’est ainsi que l’idée du Velcro, cette bande auto-agrippante, s'est inspirée du règne végétal et transposée dans le textile. Une autre technique : laisser vagabonder son imagination. Les participants racontent ce qu’ils voient comme dans un rêve éveillé. Parfois, le déclic (l’idée géniale) peut naître de moyens d’adapter la réalité. Par exemple, que se passerait-il si on changeait un aspect du produit ou du problème? Peut-on décomposer un produit en ses éléments qu’on associera ensuite à différents usages possibles pour créer un nouveau produit?

Sortir des sentiers battus
Une autre clé de la créativité est de s’ouvrir à la nouveauté. Des créatifs recommandent de nourrir son réservoir d’idées au contact de nouvelles personnes ou de nouveaux environnements. Le pire ennemi de la créativité serait d’évoluer en vase clos entouré de personnes qui partagent les mêmes repères que soi. Il est possible de provoquer de nouvelles idées de mille et une manières, par l’écoute de nouvelles personnes, par une curiosité insatiable pour les nouvelles idées, par l’observation de ce qui anime la société, ses goûts, ses quêtes, ses aspirations…

Le processus créatif en modèle
Pour encadrer la créativité (lui donner sens et but), des entreprises optent pour une méthode de réflexion qui passe de la clarification d’un objectif à une palette de solutions concrètes. Cette méthode, qui se présente comme un processus créatif et suit une séquence d’étapes, s’inspire largement de la démarche structurée de Graham Wallas. Dès 1926, ce dernier exposait dans son livre Art of thought les quatre étapes d’une démarche créative : la préparation (connaissance de la question), l’incubation (travail sur l’imagination), l’illumination (émergence de solutions) et la vérification (validation).

Gestionnaire et artiste, une relation créatrice?
Que peuvent avoir en commun le gestionnaire et l’artiste? « Qu’il soit créateur d’entreprise, dirigeant ou manager, l’entrepreneur invente et réalise », affirme Christian Mayeur, auteur de Le manager à l’écoute de l’artiste. Ils ont en partage l’urgence d’entreprendre et la passion de créer de la valeur. Au-delà de leurs similitudes, ils gagnent à travailler ensemble, selon Christian Mayeur, pour développer l’art d’entreprendre, l’art de réinventer en permanence les relations entre soi et son environnement, de coproduire du sens avec ses clients, ses fournisseurs, ses collaborateurs, de créer d’autres formes d’échange, d’usage, de produits, de technologies… et défricher l’avenir!

Myriam Jézéquel, journaliste indépendante

Source : Effectif, volume 14, numéro 3, juin/juillet/août 2011.


Bibliographie

Luc de la Brabandere et Anne Mikolajczak. Le plaisir des idées – Libérer, gérer et entraîner la créativité au sein des organisations, Éd. Dunod, 2002.

Camille Carrier et Sylvie Gélinas. Créativité et gestion – Les idées au service de l’innovation, Presses de l’Université du Québec, 2011.

Alan G. Robinson et Sam Stern. L’entreprise créative – Comment les innovations surgissent vraiment, Éd. D’Organisation, 2000.

Robert Sutton. 11,5 idées décalées pour innover – Le guide pratique de l’innovation pour tous les managers qui veulent faire bouger les choses, Édition Village Mondial, 2001.

Christian Mayeur. Le manager à l’écoute de l’artiste – Cultiver l’art d’entreprendre, Éditions d’Organisation, Paris, 2006.


Myriam Jezequel Écrivaine, chroniqueuse et chercheuse