INTRODUCTION
La Loi sur les normes du travail[1] prévoit que les employés ont droit à une rémunération pour chaque heure travaillée et que le salaire minimum s’articule autour du paiement du salaire horaire.
Ainsi, au-delà de la semaine normale de 40 heures, les employés assujettis à la Loi sur les normes du travail ont droit au paiement des heures supplémentaires. Des exceptions s’appliquent par exemple dans le cas d’une entente sur l’étalement des heures de travail comme prévu par l’article 53 de la Loi sur les normes du travail. Cet article prévoit que :
53.Un employeur peut, avec l’autorisation de la Commission, étaler les heures de travail de ses salariés sur une base autre qu’une base hebdomadaire, à condition que la moyenne des heures de travail équivaille à la norme prévue dans la loi ou les règlements.
Une convention collective ou un décret peuvent prévoir, aux mêmes conditions, un étalement des heures de travail sur une base autre qu’une base hebdomadaire sans que l’autorisation prévue par le premier alinéa soit nécessaire.
L’employeur et le salarié peuvent également convenir, aux mêmes conditions, d’un étalement des heures de travail sur une base autre qu’une base hebdomadaire sans que l’autorisation prévue au premier alinéa soit nécessaire. Dans ce cas, les conditions suivantes s’appliquent également :
1° l’accord doit être constaté par écrit et prévoir l’étalement des heures de travail sur une période maximale de quatre semaines;
2° une semaine de travail ne peut excéder de plus de 10 heures la norme prévue dans la loi ou les règlements;
3° le salarié ou l’employeur peut résilier l’entente à la suite d’un préavis d’au moins deux semaines avant la fin prévue de l’étalement convenu.
La Loi sur les normes du travail ne s’applique pas à tous les employés. Elle prévoit certaines exclusions, comme les employés qui occupent des postes de cadres. Le tout est prévu par les articles 3 et 54. Spécifiquement, l’article 54 de la Loi sur les normes du travail prévoit ce qui suit au sujet de la semaine normale de travail (40 heures) et la majoration du salaire horaire pour certains salariés :
54.La durée de la semaine normale déterminée à l’article 52 ne s’applique pas, pour le calcul des heures supplémentaires aux fins de la majoration du salaire horaire habituel, aux salariés suivants :
1° (paragraphe abrogé);
2° un étudiant employé dans une colonie de vacances ou dans un organisme à but non lucratif et à vocation sociale ou communautaire, tel un organisme de loisirs;
3° un cadre d’une entreprise;
4° un salarié qui travaille en dehors de l’établissement et dont les heures de travail sont incontrôlables;
5° un salarié affecté à la mise en conserve, à l’empaquetage et à la congélation des fruits et légumes, pendant la période des récoltes;
6° un salarié dans un établissement de pêche, de transformation ou de mise en conserve du poisson;
7° un travailleur agricole;
8° (paragraphe abrogé);
9° au salarié dont la fonction exclusive est d’assumer la garde ou de prendre soin d’un enfant, d’un malade, d’une personne handicapée ou d’une personne âgée, dans le logement de cette personne, y compris, le cas échéant, d’effectuer des travaux ménagers qui sont directement reliés aux besoins immédiats de cette personne, sauf si l’employeur poursuit au moyen de ce travail des fins lucratives.
Le gouvernement peut toutefois, par règlement, assujettir les catégories de salariés visées aux paragraphes 2°, 5° à 7° et 9° à la durée de la semaine normale qu’il détermine.
Il existe des situations où des employés assujettis à la Loi sur les normes du travail et au paiement des heures supplémentaires n’y ont pas accès en raison du mode de rémunération. Il s’agit des employés payés par un salaire annuel sans égard au nombre d’heures travaillées.
Il existe de multiples décisions où des employeurs qui ont cru convenir d’un salaire annuel exemptant les employés du paiement des heures supplémentaires ont dû se raviser en raison de la décision des tribunaux.
La décision Burgos Almonte c. Clinique podiatrique du Centre-Ville inc.[2] est un exemple d’une décision où la Cour du Québec a accueilli la demande de paiement des heures supplémentaires d’une ex-employée contre son employeur.
I- FAITS
Madame Burgos Almonte a travaillé pour la Clinique podiatrique du Centre-Ville inc. (ci-après la « Clinique ») à titre de soutien à la personne chargée des relations publiques.
Les parties n’ont pas signé de contrat d’emploi.
Quelques mois après son arrivée en poste, en raison des problèmes de gestion de la Clinique, la plaignante est appelée à occuper un rôle plus vaste de gestion sous la supervision du propriétaire de la Clinique.
Sa charge de travail est alors beaucoup plus importante que celle prévue lors des discussions de pré-embauche avec le représentant de son employeur. Elle travaille ainsi les soirs et les fins de semaine.
Afin de documenter ses heures supplémentaires, elle crée un fichier Excel dans lequel elle consigne ses heures supplémentaires. L’employeur y avait accès.
Durant sa période d’emploi, la plaignante aurait demandé à son employeur le paiement de ses heures supplémentaires, ce qui n’a jamais été fait.
Devant le refus de la Clinique de lui rémunérer ses heures supplémentaires faites et documentées, elle décide de déposer un recours auprès de la Cour du Québec.
L’ex-employée allègue qu’elle avait droit au paiement des heures supplémentaires et que son taux horaire entendu était de 32,50 $ l’heure. Elle indique qu’elle n’aurait pas effectué d’heures supplémentaires si elles n’avaient pas été rémunérées. Elle réclame alors à son ex-employeur un total de 847 heures supplémentaires.
L’employeur allègue que la plaignante n’a pas droit au paiement des heures supplémentaires puisqu’elle recevait un salaire annuel à raison de 32,50 $ l’heure pour une moyenne de 40 heures par semaine, soit un total annuel de 65 000 $.
La Cour du Québec devait alors déterminer dans un premier temps le contenu de l’entente entre les parties, à savoir si elles avaient convenu d’un salaire annuel ou d’un salaire horaire. La réponse à cette première question a déterminé le droit au paiement des heures supplémentaires de la plaignante.
II- LA DÉCISION
La juge a accueilli la demande de paiement des heures supplémentaires de Mme Burgos. Le total des heures de travail supplémentaires est établi à 847 heures, et la Cour du Québec lui a accordé une somme de 27 527,50 $[3].
En l’absence d’un contrat de travail écrit entre les parties, la juge a dû se baser sur la preuve testimoniale et documentaire disponible à l’intention des parties.
C’est ainsi que la juge a notamment analysé les relevés de paie de l’ex-employée. Les relevés de paies prévoyaient un paiement calculé sur la base d’un taux horaire de 32,50 $ l’heure.
Par ailleurs, la preuve démontre qu’au début de l’emploi, ses relevés de paie indiquaient un montant horaire de 30 $ l’heure qui a ensuite été corrigé par l’employeur à 32,50 $ l’heure afin de refléter l’entente entre les parties. De plus, la plaignante a documenté et mis à la disposition de l’employeur un fichier Excel de ses heures supplémentaires. La juge retient que l’employeur était au courant dudit fichier et des heures qui y étaient comptabilisées et ne s’y est pas opposé.
Les conditions de travail établies par la juge étaient les suivantes :
- Horaire de travail : du lundi au jeudi.
- Taux horaire de 32,50 $.
Puisque la juge a décidé que Mme Burgos recevait une rémunération à un taux de salaire horaire et non annuel, elle a décidé de donner droit à sa réclamation des heures supplémentaires. Cette réclamation a été établie selon les heures documentées dans le rapport Excel préparé par l’ex-employée et auquel l’employeur avait accès.
La juge retient ce qui suit de la preuve testimoniale des parties :
[37] Madame Burgos Almonte fait confiance à son employeur lorsqu’il la rassure et affirme qu’il va payer ses heures supplémentaires ou qu’elle pourra les prendre en congés. Il recevait régulièrement les documents relatifs à la paie et avait accès au document indiquant les heures supplémentaires. Elle n’avait aucune raison de ne pas croire qu’il honorerait leur entente d’autant plus qu’il était l’ami de son conjoint et qu’il existait entre eux un climat de confiance.
III- CONCLUSION
Dans un premier temps, la décision rappelle que les employeurs devraient toujours conclure un contrat de travail écrit. Le dicton le dit bien : Les paroles s’envolent, mais les écrits restent. Il est raisonnable de croire que l’issue du litige aurait pu être différente si les parties avaient pris la peine de mettre par écrit le contenu de leur entente.
Ensuite, le paiement d’un salaire annuel à un employé normalement assujetti au paiement des heures supplémentaires en vertu de la Loi sur les normes du travail ne suffit pas pour en exclure son application.
Par exemple, l’employé maintiendra son droit au paiement des heures supplémentaires si son salaire annuel est payé pour un horaire de travail déterminé ou déterminable. En effet, dans un tel cas, il est raisonnable de croire que le salaire annuel convenu aura été fait pour une prestation de travail « calculable » de l’employé.
Lorsque les employés ne sont pas exclus de l’application de la Loi sur les normes du travail, les employeurs devraient faire preuve de prudence lorsqu’ils souhaitent négocier avec de futurs employés un contrat d’emploi prévoyant une rémunération annuelle sans droit au paiement des heures supplémentaires. Une rémunération annuelle pour une prestation de travail « calculable » pourrait permettre à un employé de déposer une réclamation pour des heures supplémentaires.
1 | RLRQ, c. N-1.1, r. 0.1. |
2 | 2021 QCCQ 5357. |
3 | Le détail du calcul n’a pas été fourni dans la décision de la juge. |